Quand Menwar et la musique mauricienne rencontrent un chansonnier français

Catégorie Musique | News / Publié le 18 Mai 2017

Avant son Live événement à Eureka ce jeudi 18 mai avec les mauriciens Menwar, Yvette Dantier et Daniella Bastien, le francais Nicolas Tarik (tête d'affiche de Dreamers 3) nous en dit plus sur sa démarche inédite et ce concert très attendu.

Nicolas Tarik, tu as choisis d’inviter Menwar, Daniella Bastien et Yvette Dantier à te rejoindre sur la scène de la Maison Euréka pour "les inédits d'Eureka". Comment as-tu rencontré ces artistes ?

« Je suis arrivé à l'Ile Maurice avec la ferme intention de rencontrer des artistes et grâce à ses rencontres de progresser humainement et artistiquement. Au départ, j'ai découvert le patrimoine musical et poétique mauricien sur youtube ! J'étais déjà tombé sur Sizann. J'avais adoré ce titre séga aux accents blues avec cette langue étrange que je ne comprenais pas. J’avais découvert les Baz’art session’z, notamment celle où Yvette Dantier reprend Salvador. »

Parle-nous de ta rencontre avec Daniella Bastien.

« C'est Chris Arles (musicien) qui m'a parlé de Daniella. J’avais vu des documentaires à propos du séga dans lequel on retrouve Daniella Bastien et Menwar, avec Marclaine Antoine, Fanfan, Michel Legris et d'autres ségatiers (Kerwin, Kirty, etc...). Avec Daniella, on s’est rencontré à Port-Louis sur son balcon. J'ai galéré pour accéder jusqu'à chez elle. Et comme en plus elle habite une impasse, c'est comme si on devait commencer par se perdre pour la rencontrer. C'était le soir. J'ai chanté "Il neige à gros flocons de nous". Daniella m'a expliqué son approche de la ravanne, qu'il ne s'agissait pas de faire "tadaboum tadaboum", mais qu'on peut tapoter l’instrument, le caresser, l’amadouer pour faire résonner sa peau. Cela exige une grande maîtrise du geste. Elle jouait en finesse et cherchait avant tout à créer une émotion en mêlant le son au texte. Chez elle, il y a souvent des personnalités du monde des arts et de la culture qui sont là. On discute, on mange des gulab jamun. Elle m’a fait découvrir Yshaï Afterman. Je me souviens aussi que Daniella était très occupée avec l'apprentissage de la langue créole à l'école. Elle y croit fermement. Elle dit que les enfants doivent être fier de leur langue, c'est une question de confiance en soi. » 

Et toi tu en penses quoi ? Le créole t’intéresse aussi, non ? Quand tu chantes "Une autre c’est l’Ile Maurice", tu mets des mots en créole dans ta chanson...

« Les langues sont un vivier passionnant d'émotions, de manière de dire. Il y a deux ans, le créole était pour moi comme une langue étrange et nouvelle. Je ne l'entendais pas comme je l'entends aujourd'hui : la proximité avec ma langue, les tournures souvent empruntées à l'anglais, etc... J'écoutais le créole comme on entend l'eau coulée sur un toit, puis dans la terre. C'était des paroles revigorantes, étrangères. J'aimais qu'elles me restent inconnues. Je comprenais les thèmes qu'abordaient Daniella, mais pas le sens de ce qu'elle disait. »

Et maintenant ? Tu comprends mieux le créole ? Les mots de Daniella, les textes de Menwar ?

« C'était pareil avec Menwar. Désormais, je comprends mieux les paroles en créole - j'ai un peu appris à force de traîner dans des jams, dans des bus, d'écouter la radio ou grâce à mes collègues mauriciens (ils rigolent quand je m’essaye à baragouiner). Mais, désormais, même quand je comprends ce que Menwar a dit, ou si on me traduit, je me demande encore longtemps après ce qu'il a voulu dire ! Ça me travaille. Certains ségas sont comme ça, ceux que chantent Ti frer. Je ressens qu’il y a une culture, des choses que je ne comprends pas, peut-être une sorte de mélancolie, des choses non dites, des choses dites et redites différemment ensuite. Ça colle parfaitement avec le thème des "Inédits d’Euréka". Les "inédits" donnent leur nom à la soirée qu’on présentera le 18 mai tous ensemble. Le propre de l’inédit, c’est de ne pas avoir été dit bien sûr. Mais ça me plaît d’imaginer qu’un texte renferme un secret, quelque chose qu’on ne saura jamais vraiment : certains histoires n’ont pas de conclusions, elles restent ouvertes. Ça reste suggéré, c’est non dit. C’est ce que je ressens quand j’entends certains ségas anciens. Ça me plaît d'imaginer ce que cela pourrait vouloir dire. Il y a un plaisir à se faire bercer, entraîner, envoûter par la musique des autres, la musique "d’ailleurs". »

Parle-nous de Menwar, un des artistes mauriciens les plus célèbres à l’étranger.

« Menwar a fait le tour des festivals world en Europe, il a joué avec beaucoup de musiciens venus d’ailleurs. Il a joué avec pléthore de musiciens en fait : certains très renommés et très talentueux, d’autres pas connus du tout. J’ai rencontré plusieurs musiciens de tous styles et de tous pays qui m’ont dit qu’ils avaient joué avec Menwar ! Ce qui est frappant chez lui c’est qu’il garde intact cet intérêt pour la world sous toutes ses formes. Si on joue une chanson (un jazz manouche, un truc binaire par exemple, ou une valse), il adapte son jeu de ravanne instantanément. Il a créé le ségaï dans cet esprit je pense. Pour lui, les frontières existent : simplement elles sont faites pour être traversées. »

Pour les Inédits d’Euréka, Yvette Dantier sera là aussi… Elle s’inscrit dans un registre un peu différent. Tu peux nous dire comment vous vous êtes rencontrés ?

« Yvette est une jeune chanteuse qui a chanté Henri Salvador dans une très jolie version de Jardin d’Hiver (voir la video en fin d'itw). Elle s’accompagne à la guitare et elle adapte instantanément son jeu de guitare à sa voix. Elle fait cela avec beaucoup d’à propos, elle provoque des émotions. Elle est aussi auteur et compositrice. Sa manière même de reprendre Kurt Cobain ou Mayra Andrade est originale, n’appartient qu’à elle ! Elle chante dans plusieurs langues, des reprises et des compos. Elle aime la chanson française, elle cite tout le temps les anciens et on en parle tous les deux comme si nous n’avions pas vraiment notre âge (Aznavour, Nougaro, etc). J’ai écrit plusieurs chansons qui pouvaient être chantées par des femmes, dont une spécialement écrite pour Yvette. J’ai eu la chance de rencontrer des chanteuses formidables depuis que je suis à Maurice : j’ai travaillé avec les Clarisse Sisters sur mon dernier album par exemple. Elles sont exceptionnelles, individuellement et encore plus en trio vocal. Travailler avec Yvette, c’est complètement différent. Elle chantera ses chansons, puis je la rejoindrai sur scène pour l’accompagner au piano sur mes propres compositions. En répétition, on parle beaucoup de comment interpréter le texte, on cherche comment toucher le public, lui transmettre le sens de ce qui est dit, surtout que ce seront des titres complètement inédits. L’objectif c’est que la chanson puisse être ressentie immédiatement. Quelques titres sont assez écrits, avec des mots qu’on n’utilise pas tous les jours, avec une dizaine d’accords, des modulations, etc... Ce ne sont pas des chansons compliquées, mais on est tellement habitué parfois à certains plans harmoniques et à une ritournelle très simple, qu’accepter d’écouter quelque chose d’un peu différent n’est pas si évident. Notre but avec Yvette c’est de rendre le plus simple et le plus évident possible l’accès au texte et à la mélodie pour susciter des émotions chez ceux qui viendront nous écouter. »

On t’avait découvert en insomniaque avec ton album les "Insomnies de Nicolas Tarik" à la Terrasse du Domaine de Labourdonnais lors de Dreamers 3 ? Quel est ton rêve pour ces Inédits d’Euréka ?

« Ce dont je rêve pour le 18 mai, c’est bien sûr que cette rencontre se produise : il y aura des parties ou chacun de nous sera en solo. De mon côté, je chanterai une dizaine de titres inédits principalement au piano. Menwar, Yvette et Daniella aussi auront des parties solo. Puis il y aura des parties en duo : avec Menwar et Daniella d’une part ; et Yvette et moi ensuite. Enfin on finira tous ensemble. Ce sera un final à quatre voix ! Nous aurons également des invités surprise qui seront annoncés à la toute dernière minute. Il faudra rester connecté sur nos pages facebook et nos sites respectifs. Donc mon premier rêve, c’est de réussir cette rencontre. Le second rêve : c’est aussi de toucher un public le plus large possible autour des mots inédits de la chanson et du séga ! Notre objectif, au final c’est de proposer un spectacle qui pourra plaire à tous les mauriciens. »

Les Inédits d'Euréka c'est jeudi 18 mai 2017, à partir de 17 h, à Eureka - La Maison Créole, à Moka. Food & Beverages sur place. Entrées: Rs380 à la porte. Préventes à la Maison Eureka à Moka et à la Boulangerie The Bakery à Cascavelle. Réservations conseillées : 433 8477.



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